Michel Foucault : une politique de l’insoumission

Avertissement. L’article ci-dessous est une ébauche, rédigée en 1997, de l’un des chapitres d’un ouvrage que je voulais consacrer à la pensée de Michel Foucault. Ce projet a été laissé à l’abandon (en raison de la part prise, jusqu’en 2015, parmi mes activités, par l’animation de l’association Acrimed).

Cette ébauche réunit de très abondantes citations qu’une rédaction définitive aurait résumées. Ces matériaux sont presque exclusivement puisés dans la collection des Dits et écrits, publiés par les éditions Gallimard, parce que ces textes comportent plus que d’autres des prises de position ouvertement politiques. Ils devaient être complétés par d’autres références (et par l’apport d’ouvrages consacrés à Michel Foucault). Cette ébauche, enfin, n’a subi que des modifications de forme destinées à le rendre (à peu près) lisible.

Objectif : suivre les méandres et les apories d’une pensée en laissant provisoirement les objections en retrait.

Contre l’intolérable

Des opinions politiques, Foucault, comme n’importe qui, en eut sans doute : de fort diverses et de très variables. Pour intéressante qu’elle soit, cette question de biographie ne nous intéresse pas ici. Foucault ne s’exprime jamais publiquement sur ses choix partisans ou électoraux. Cette réserve est moins l’effet d’une indétermination personnelle que d’une abstention réfléchie. Voudrions nous savoir comment il se situe ? Il refuse de se situer. .

De philosophie politique, Foucault n’en expose aucune : ce qu’il entend par philosophie et ce qu’il comprend de la politique le lui interdisent. Le projet d’une philosophie politique doit être abandonnée aux professionnels du fondement ultime de l’ordre politique et social.

Des engagement politiques, Foucault en eu de nombreux, plus ou moins intenses. Des parti-pris et des actions que retracent ses biographes, tous guidés par ce qu’il jugeait intolérable [1]. Nous y reviendrons

Mais de stratégie politique, Foucault n’en préconise guère : quand on refuse d’être prophète, on ne s’improvise pas stratège. Pourtant, le relevé cartographique du champ de bataille permet mettre à l’épreuve des options possibles. Mais, pour qui s’en tient à son parcours proprement théorique, il faut reconnaître que Foucault n’est guère prodigue quand il s’agit de disposer des balises.

Les lecteurs disposent au moins d’un point de départ. Avant 1970, Foucault indique quelle critique il mobilise et quelle politique il refuse. Il critique des présupposés philosophiques de la gauche française et récuse toute politique fondée sur ces présupposés ou nimbée de cette philosophie : en un mot l’humanisme moderne. Sous le terme d’humanisme, ce qu’il a en vue, c’est notamment l’idée selon laquelle « la fin du politique est de produire du bonheur [2]. ».

Lui demande-t-on, par quel mouvement, il se sent « le plus attiré en tant que structuraliste », il répond : « Je ne sais pas si l’on peut directement répondre ainsi. Disons seulement que le structuralisme doit s’éloigner de toute attitude politique qui peut être relié aux vieilles valeurs libérales et humanistes [3]. »

Et d’insister : « Je crois (…) que le structuralisme doit pouvoir donner à toute action politique un instrument politique un instrument analytique qui est sans doute indispensable, La politique n’est pas nécessairement livré à l’ignorance [4]. »

Et encore, contre l’humanisme et en réponse à Sartre : « (…) nous refusons ces politiques de la docte ignorance qui étaient celle je crois de ce que l’on appelait l’engagement [5].  » . « On » ? Sartre

Pourtant, c’est en deçà de ses principaux ouvrages (mais non sans liens avec eux) que Foucault expose, au fil des textes réunis dans ses Dit et écrits, une politique de l’insoumission qui prend pour cible l’intolérable [6]. Cette politique fait office de fondement de ces actions et prises de positions militantes – ses engagements -que l’on négligera ici.

Mais refuser l’intolérable, ce n’est pas prescrire des remèdes. C’est, du côté de la théorie, problématiser le sens du conflit et du côté de la pratique l’ intensifier.. Face à l’intolérable, les prescriptions menacent d’être superficielles et les prophéties illusoires. Une politique de la révolte invite à respecter la singularité qui s’insurge et à découvrir la complexité de l’affrontement. Voilà pourquoi Foucault se méfie des programmes et se défie des solutions, au point même de s’interdire de proposer des réformes. N’est-ce pas cependant au bénéfice d’une nouvelle politique de la réforme ?

I. Une politique de la réforme ? La réforme est-elle souhaitable ?

Foucault affirme conjointement que le refus de proposer des réformes est motivé par une saine méfiance à l’égard du pouvoir et que la méfiance à l’égard des réformes est inspirée par une critique faussée du réformisme. La critique de Foucault est une critique à double foyer : une critique du réformisme comme pratique critique et, selon sa propre expression une « critique du réformisme comme pratique politique ».

1. Une critique du réformisme

Foucault critique dans le réformisme une visée et une méthode. La visée est celle du traitement des symptômes. La méthode est celle des réformes octroyées.

Le réformisme comme visée

« Le réformisme, en fin de compte, est un traitement des symptômes : il s’agit de gommer les conséquences tout en faisant valoir le système auquel on appartient, même si cela veut dire qu’on doit le dissimuler [7]. ». Voilà pourquoi le Groupe d’information sur les prisons (GIP) [8] tournera délibérément le dos à toute forme de réformisme. Ainsi, les enquêtes qui prolongent les intolérances à l’intolérable - les « enquêtes-intolérance » comme celles sur les prisons - « ne sont pas destinées à améliorer, à adoucir, à rendre plus supportable un pouvoir oppressif » [9]. Il s’agit de donner la parole aux détenus. En conséquence : « Notre propos n’est pas de faire œuvre de sociologue ni de réformisme [10]. »

Il arrive que Foucault distingue des variétés solidaires d’aménagement : l’humanisme et le réformisme :

Pour simplifier, l’humanisme consiste à vouloir changer le système idéologique sans toucher à l’institution ; le réformisme à changer l’institution sans toucher le système idéologique. L’action révolutionnaire se définit au contraire comme un ébranlement simultané de la conscience et de l’institution ; ce qui suppose qu’on s’attaque aux rapports de pouvoir dont elles sont l’instrument, l’armature, l’armure [11] .

Aux visées de l’humanisme et du réformisme s’opposent les luttes radicales :

« Les femmes, les prisonniers, les soldats du contingent, les malades des hôpitaux, les homosexuelles ont entamé en ce moment une lutte spécifique contre la forme particulière de pouvoir, de contrainte, de contrôle qui s’exerce sur eux. De telles luttes font partie actuellement du mouvement révolutionnaire, à condition qu’elles soient radicales, sans compromis ni réformisme, sans tentative pour aménager le même pouvoir avec tout au plus un changement de titulaire [12].

La critique des objectifs fait corps avec une critique des méthodes.

Le réformisme comme méthode

Foucault conteste dans le réformisme la politique des réformes prescrites et des réformes octroyées. Aux réformes prescrites, Foucault oppose les transformations imposées. C’est le rapport entre critique et transformation qui doit être redéfini :

Une réforme, ce n’est jamais que le résultat d’un processus dans lequel il y a conflit, affrontement, lutte résistance... Se dire d’entrée de jeu : quel est donc la réforme que je vais pouvoir faire ? Ce n’est pas pour l’intellectuel, je crois un objectif à poursuivre. Son rôle, puisque précisément il travaille dans l’ordre de la pensée, c’est de voir jusqu’où la libération de la pensée peut arriver à rendre ces transformations assez urgentes pour qu’on ait envie de les faire, et assez difficiles à faire pour qu’elles s’inscrivent profondément dans le réel. Il s’agit de rendre les conflits plus visibles, de les rendre plus essentiels que de simples affrontements d’intérêts ou de simples blocages institutionnels. De ces conflits, de ces affrontements doit sortir un nouveau rapport de forces dont le profil provisoire sera une réforme [13].

Par conséquent, si des réformes doivent être obtenues, elles ne doivent pas avoir pour préalables des propositions positives d’un théoricien, mais sur la contestation de ceux qui sont directement concernés.

Le système pénal, en vigueur depuis le Code pénal de 1810, doit être transformé, déclare Foucault. « Maintenant je crois qu’il faut toute une réforme du code, une réforme en profondeur. Nous avons besoin d’un nouveau Beccaria, d’un nouveau Bertin, Je n’ai pas du tout la prétention d’être un nouveau Beccaria ou Bertin, car ce n’est pas à un théoricien de faire la réforme des États. »

Dès lors comment réformer ? : « Ceux-là mêmes sur qui pèse cette justice sans doute injuste, c’est à ceux-là mêmes de prendre en main la réforme et la refonte de la justice [14]. »

De la radicalité de la contestation dépend la profondeur des transformations :

Depuis dix bonnes années, s’est instauré en France - mais dans d’autres pays aussi un débat à voix multiples. Certains s’en impatientent : ils aimeraient que l’institution propose d’elle-même, et au milieu du silence des profanes, sa propre réforme. Il est bon qu’il n’en soit pas ainsi. Les transformations réelles et profondes naissent des critiques radicales, des refus qui s’affirment et des voix qui ne cassent pas [15].

Aux réformes octroyées, Foucault oppose les victoires obtenues. Le réformisme selon Foucault ne consiste pas, à proprement parler, dans l’obtention de réformes, mais dans la méthode de lutte adoptée pour les obtenir.

Quand on oppose à Foucault que les prisonniers en révolte déposaient des revendications strictement matérielles qui ne remettaient pas en question l’institution pénitentiaire elle-même, il réplique :

Il faut faire attention. Souvent, on nous dit, c’est du réformisme. Mais en fait le réformisme se définit par la manière dont on obtient ce que l’on veut, ou on cherche à l’obtenir. À partir du moment où on l’impose par la force, par la lutte, par la lutte collective, par l’affrontement politique, ce n’est pas une réforme, c’est une victoire [16].

C’est cette critique du réformisme qui court en filigrane de l’éloge des luttes contre le quotidien des jeux de pouvoir. Car, dans ces luttes, « il s’agit non plus d’affrontements à l’intérieur des jeux, mais de résistances aux jeux et de refus du jeu lui-même » [17].

Et de préciser : « Dans les luttes dont je viens de parler (...) il ne s’agit pas du tout de réformisme, puisque le réformisme a pour rôle de stabiliser un système de pouvoir au bout d’un certain nombre de changements, alors que dans toutes ces luttes, il s’agit de la déstabilisation des mécanismes de pouvoir, d’une déstabilisation apparemment sans fin [18]. »

Peut-on, doit-on, passer du stade de la critique au stade de la proposition ? « Ma position, c’est qu’on n’a pas à proposer. Du moment qu’on « “propose” », on propose un vocabulaire, une idéologie, qui ne peuvent avoir que des effets de domination [19]. »

Pourtant, dans le même article où il dispense la critique de formuler des propositions, Foucault invite la critique à s’avancer sur ce terrain. Pourquoi Foucault a-t-il accepté de répondre à des questions relatives à la réforme du droit pénal ? « Finalement je suis un peu irrité par une attitude, qui d’ailleurs a été la mienne longtemps et à laquelle je ne souscris plus actuellement, qui consiste à dire : nous notre problème, c’est de dénoncer et de critiquer ; qu’ils se débrouillent avec leur législation et leur réformes. Cela ne me paraît pas une attitude juste [20]. »

En revanche, « Il ne faut surtout pas que la nécessité de la réforme serve de chantage pour réduire et stopper l’exercice de la critique. Il ne faut en aucun cas écouter ceux qui vous disent : “Ne critiquez pas, vous qui n’êtes pas capables de faire une réforme ”. Ce sont là des propos de cabinets ministériels [21]. »

Ou plutôt, il faut refuser le partage en deux temps, entre critique et réforme ainsi que le partage des tâches entre le critique radical et le réformateur prudent :

[..].il n’y a pas un temps pour la critique et un temps pour la réforme, il n’y a pas ceux qui ont à faire la critique et ceux qui ont à transformer le réel, ceux qui sont enfermés dans une radicalité inaccessible et ceux qui sont bien obligés de faire des concessions au réel. En fait je crois que dans le travail de transformation profonde ne peut se faire que dans l’air libre et toujours agité d’une critique permanente [22].

On le voit : la critique du réformisme ne se confond pas avec le refus de réformes. Foucault affirme conjointement que le refus de proposer isolément des réformes est motivé par une saine méfiance à l’égard du pouvoir et que la méfiance à l’égard des réformes peut être inspirée par une critique faussée du réformisme.

2. Une politique de la réforme ?

Foucault esquisse ainsi une politique de la réforme qui récuse des argument en défaveur des réformes. La critique du réformisme ne se fonde ni sur l’impossibilité, ni sur la nocivité des réformes : impossibilité de la réforme car nous serions piégés, nocivité de la réforme car elle serait récupérée. La réforme est toujours possible et souhaitable.

Impossibilité des réformes ?

Les résistances ne sont pas nécessairement piégées par le pouvoir.

« Dès qu’il y a un rapport de pouvoir, il y a une possibilité de résistance. Nous ne sommes jamais piégés par le pouvoir : on peut toujours en modifier l’emprise, dans des conditions déterminées et selon une stratégie déterminée [23]. » Ou encore : « Je n’effectue pas mes analyses pour dire : voilà comment sont les choses, vous êtes piégés. Je ne dis ces choses que dans la mesure où cela permet de les transformer [24]. »

Je crois que le travail qu’on a à faire, c’est un travail de problématisation et de perpétuelle reproblématisation. Ce qui bloque la pensée, c’est d’admettre implicitement ou explicitement une forme de reproblématisation, et de chercher une solution qui puisse se substituer à celle qu’on accepte. Or, si le travail de la pensée a un sens - différent de celui qui consiste à réformer les institutions et les codes -, c’est de reprendre à la racine la façon dont les hommes problématisent leur comportement (leur activité sexuelle, leur pratique punitive, leur attitude à l’égard de la folie, etc.). Il arrive que les gens prennent cet effort de reproblématisation comme un “ antiréformisme ”, reposant sur un pessimisme du genre « rien ne changera ». C’est tout le contraire [25].

Et ce changement ne désavoue nullement l’obtention de réformes, au nom des effets nocifs qu’elles auraient sur la Révolution.

Nocivité des réformes ?

La critique du réformisme n’a pas pour contrepartie l’adoption d’un certain gauchisme. Au contraire :

« Il faut distinguer la critique du réformisme comme pratique politique de la critique d’une pratique politique par le soupçon qu’elle peut donner lieu à une réforme [26]. » Il faut déjouer la double phobie de la réforme et de la récupération, solidaires de certaines ivresses dialectiques. La critique du réformisme ne doit pas être confondue avec la phobie de la réforme, « fréquente - déclare Foucault - dans les groupes d’extrême-gauche ».

Cette phobie de la réforme repose sur la phobie de la récupération : c’est, en fait « une phobie de la réplique réformiste chez l’adversaire » [27]. Cette double phobie des réformes et de la récupération explique la « propension à l’échec » des « prétendus partis d’extrême-gauche » : « Dès que quelque chose réussit et se réalise, ils s’écrient que c’est récupéré par le système établi ! Bref, ils se mettent dans la position de n’être jamais récupérés, autrement dit, il est toujours nécessaires qu’ils subissent un échec ». À cette posture, Foucault oppose la volonté de réussir dans « la lutte contre le pouvoir quotidien » [28].

Cette politique de « déstabilisation des mécanismes de pouvoir » s’inscrit-elle pour autant dans la perspective d’une révolution ?

II. Une politique de la révolution ? La révolution est-elle désirable ?

Contrairement à la légende, Foucault n’a jamais prétendu que les résistances contre les micro-pouvoirs étaient destinées à se substituer aux luttes contre l’exploitation et contre la domination. Tout au plus a-t-il soutenu que les premières étaient appelées à devenir dominantes. Il n’a jamais soutenu que les guérillas ponctuelles contre les rapports de pouvoir devaient se substituer à la perspective stratégique de leur généralisation. Tout au plus - mais c’est déjà beaucoup - exclut-t-il qu’une telle stratégie puisse être confiée, pour être pensée et mise en œuvre, à un quelconque état-major. Foucault n’abandonne pas la perspective d’une révolution. Tout au plus incite-t-il, sans l’avoir fait lui-même - et peut être sans l’avoir cru possible - à repenser son concept et son contenu. Car si la révolution est possible, est-elle désirable ?

1. Critique de la révolution : La révolution est-elle désirable ?

C’est un fait, constate Foucault en avril 1976, que dans les pays européens la révolution n’est plus désirée par les masses, et que le stalinisme a puissamment contribué à son discrédit. Mais si Foucault commence par constater que la révolution a cessé d’être désirable, c’est pour assigner comme tâche à l’intellectuel de la rendre désirable à nouveau : « À mon avis, le rôle de l’intellectuel aujourd’hui doit être de rétablir pour l’image de la révolution le même taux de désirabilité que celui qui existait au XIXe siècle (...) de restituer à la révolution autant de charmes qu’elle en avait au XIXe siècle [29]. » Resterait alors à savoir comment.

Relancer la révolution ?

Pourtant, un an plus tard, en mars 1977, Foucault avoue ne plus savoir si la révolution est désirable : la tâche de l’intellectuel n’est donc plus de la rendre désirable, mais de savoir si elle l’est. « Désirez-vous la révolution ? », lui demande-t-on. Réponse : « Je n’ai pas de réponse ». Et d’ajouter : « Mais je crois, si vous voulez, que faire de la politique autrement que politicienne, c’est essayer de savoir avec le plus d’honnêteté possible si la révolution est désirable. C’est explorer cette terrible taupinière où la politique risque de disparaître [30]. »

Parmi les processus qui ont « ramené au cœur des préoccupations contemporaines la question des Lumières », figure particulièrement « l’histoire même d’une “révolution » dont l’espoir avait été, depuis la fin du XVIIIe siècle, porté par tout un rationalisme auquel on est en droit de se demander quelles part il a pu avoir dans les effets de despotisme où cet espoir s’est égaré » [31].

Ce qui suppose un retour sur les Lumières qui incite à revenir à la façon dont Kant avait abordé la question. Pour Kant lui-même la question « Qu’est-ce que l’Aufklärung ? » dépend de cette autre question que lui posait l’actualité « Qu’est-ce que c’est que la révolution » : « Ces deux questions : “ Qu’est-ce que l’Aufklärung ? Qu’est-ce que la Révolution ?” sont les deux formes sous lesquelles Kant a posé la question de sa propre actualité [32] ». Ce sont ces deux questions dont Foucault souligne l’insistance :

Les deux questions « “ Qu’est-ce que l’Aufklärung ?” et “Que faire de la volonté de révolution ?” » définissent à elles seules le champ d’interrogation philosophique qui porte sur ce que nous sommes dans notre actualité [33]

Que faire de la volonté de révolution ? Faut-il la soutenir ou la dissuader ? Faut-il relancer la révolution ou renoncer à la révolution ? .

Foucault, on le voit, loin de commencer par exclure toute perspective révolutionnaire, accepte, au moins provisoirement, d’en préserver l’horizon. Mais sous certaines conditions, inspirées par le bilan de la révolution russe et confortées par l’analytique du pouvoir. Si la Révolution est désirable, c’est à la condition de ne pas rester chevillée à l’État, mise à l’abri d’une philosophie de l’histoire ; à condition de ne pas être suspendue à une programme et comprise comme un itinéraire qui balise tous les conflits [34].

La seule révolution souhaitable est une révolution qui ne se concentre pas sur la seule prise du pouvoir d’État. Telle est au premier chef la leçon de la révolution russe quand elle est tirée, en 1975, à partir de l’analytique du pouvoir :

« Je ne prétends pas du tout que l’appareil d’état ne soit pas important, mais il me semble que parmi toutes les conditions qu’on doit réunir pour ne pas recommencer l’expérience soviétique, pour que le processus révolutionnaire ne s’ensable pas, l’une des première chose à comprendre, c’est que le pouvoir n’est pas localisé dans l’appareil d’état et que rien ne sera changé dans la société si les mécanismes de pouvoir qui fonctionnent en dehors des appareils d’état, au-dessous d’eux, à côté d’eux, à un niveau beaucoup plus infime, quotidien, ne sont pas modifiés [35].

En effet, souligne Foucault, dans un texte que nous avons déjà cité, on peut « parfaitement concevoir des révolutions qui laissent intactes, pour l’essentiel, les relations de pouvoir qui avaient permis à l’Etat de fonctionner » [36]. De là cette leçon :

« Pour les révolutionnaires authentiques, s’emparer du pouvoir signifie s’emparer d’un trésor qui se trouve dans les mains d’une classe, pour la livrer à une autre classe, en l’occurrence au prolétariat. Je crois que c’est ainsi qu’on conçoit la révolution et la prise du pouvoir. Observez alors l’Union soviétique. Nous avons là un régime où les relations de pouvoir dans la famille, dans la sexualité, dans les usines, dans les écoles restent les mêmes. Le problème est de savoir si nous pouvons, dans le régime actuel, transformer à des niveaux microscopiques - à l’école, dans la famille - les relations de pouvoir, de telle sorte que, quand il y aura une révolution politico-économique, nous ne nous trouvions pas, après, les mêmes relations de pouvoir que nous trouvons maintenant. C’est le problème de la révolution culturelle en Chine [37]. »

Pourtant, comme nous l’avons relevé, à peine Foucault vient-il de tracer à grands traits les conditions d’une révolution désirable, que la question est relancée. Non plus : comment rendre la révolution désirable ou quelle révolution serait désirable. Mais, une fois encore, la révolution est-elle seulement désirable ? N’est-il pas préférable d’y renoncer ?

Renoncer à la révolution ?

« Désirez-vous la révolution ? », demande-t-on à Foucault. Celui-ci commence par répondre en soulignant l’enjeu de la question :

[...] sur ce versant de l’histoire, où la révolution doit revenir et n’est pas encore venue, nous posons la même question : « “ Qui sommes-nous, nous qui sommes en trop, en ce temps ou ne passe pas ce qui devrait se passer ? “. Toute la pensée moderne, comme toute la politique, a été commandée par la question de la révolution. (...) Si la politique existe depuis le XIXe siècle, c’est parce qu’il y a eu la Révolution [38].

La question de notre actualité coïncide jusqu’à un certain point avec la question de la révolution, car politique et révolution menacent de disparaître conjointement, comme on l’a déjà signalé : « Faire de la politique autrement que politicienne, c’est essayer de savoir avec le plus d’honnêteté possible si la révolution est désirable. C’est explorer cette terrible taupinière où la politique risque de disparaître ». [39] Resterait alors à savoir de quelle disparition il s’agit.

Disparition du monopole de la révolution ? Telle est l’hypothèse que Foucault émet en avril 1978 :

Assiste-t-on, en cette fin du XXe siècle, à quelque chose qui serait la fin de l’âge de la révolution ? Ce genre de prophétie, ce genre de condamnation me paraît un peu dérisoire. Nous sommes peut-être en train de vivre la fin d’une période historique qui, depuis 1789-1793, a été, au moins pour l’Occident, dominée par le monopole de la révolution, avec tous les effets de despotisme conjoints, que cela pouvait impliquer, sans que pour autant cette disparition du monopole de la révolution signifie une revalorisation du réformisme [40].

Pour Foucault, on l’a vu, les luttes n’ont pas pour rôle de revaloriser le réformisme : elles ont pour enjeu et pour effet une « déstabilisation des mécanismes de pouvoir, d’une déstabilisation apparemment sans fin. » Mais la signification de ces luttes ne peut plus être dégagée en fonction de la perspective de la Révolution. L’enjeu des résistances est « tout à fait différent de celui que visent les luttes révolutionnaires et qui méritent au moins autant que celles-ci d’être qu’on les prenne considération ». Alors que sous le nom de Révolution depuis le XIXe siècle, « ce que vient les partis et les mouvements qu’on appelle révolutionnaires, c’est essentiellement ce qui concerne le pouvoir économique ». [41]

Disparition d’un monopole ou disparition tout court ? Foucault prend acte de la disparition de l’idée de révolution. À une question portant sur l’avenir de l’eurocommunisme, il répond : « la question importante ne se pose pas quant à son avenir, mais quant à l’avenir et au thème de la révolution. »

« Depuis 1789, l’Europe a changé en fonction de l’idée de révolution. L’histoire européenne a été dominée par cette idée. C’est exactement cette idée-là qui est en train de disparaître en ce moment » [42]. On comprend alors que l’enjeu s’est sans doute définitivement déplacé : « Ces luttes décentrées par rapport aux principes, aux primats, aux privilèges de la révolution ne sont pas pour autant des phénomènes de circonstances, qui ne seraient liées qu’à des conjoncture particulière. Elles visent une réalité historique qui existe d’une manière qui n’est peut-être pas apparente mais est extrêmement solide dans la société occidentale depuis des siècles et des siècles. Il me semble que ces luttes visent une des structures mal connues, mais essentielles de nos sociétés [43].

En l’occurrence le pouvoir pastoral [44].

La perspective de la révolution, semble-t-il, s’est effacée : les résistances séditieuses contre les « disciplines », contre la société de normalisation, contre le biopouvoir ont, semble-t-il, trouvé leur cible, et l’option politique de Foucault son fondement : contemporaine de l’inflexion théorique qui, succédant à La Volonté de savoir, conduit Foucault à analyser la « gouvernementalité », cette inflexion politique incite Foucault à reporter la perspective de la révolution sur les résistances (ou le soulèvement) contre la gouvernementalité : une politique de la sédition contre la rationalité politique du gouvernement.

Pourtant, la question de la révolution est relancée par le soulèvement des Iraniens contre le chah. Si la révolution n’est pas désirable, le soulèvement est-il soutenable ?

2. Éloge du soulèvement : Le soulèvement est-il soutenable ?

À partir d’août 1978, Foucault se met à l’étude de l’Iran où il effectue un premier voyage en septembre, bientôt suivi d’un second en novembre. De ces voyages, rendront compte plusieurs articles, très controversés. Pourtant, si l’issue de l’événement semble démentir la lucidité de l’analyse, celle-ci ne déroge jamais aux exigences de la rigueur philosophique [45]. Mais surtout, la singularité du soulèvement iranien donne à Foucault l’occasion de réfléchir à la différence spécifique entre révolution et soulèvement [46].

Foucault reprend ici le fil d’une réflexion sur l’importance des « soulèvements populaires » qui, avant la Révolution française, associaient la plèbe marginalisée et séditieuse, avant que, au cours du XIXe siècle, le syndicalisme ouvrier ne doive, « afin de se faire reconnaître, se dissocier de tous les groupes séditieux » [47]. Une telle analyse ouvrait la voie à une opposition entre soulèvement et révolution. Mais cette opposition devient explicite à l’occasion du soulèvement des Iraniens contre le chah.

La singularité de ce soulèvement ne permet pas de le penser dans les termes classiques d’une révolution : on n’y reconnaît ni la dynamique des contradictions, des luttes de classes ou grands affrontement sociaux, ni la dynamique politique imprimée par une force politique dirigeante [48]. Cette singularité ne peut s’expliquer seulement par les difficultés économiques : « L’âme du soulèvement » est surtout la volonté de se changer soi-même

À la limite, toute difficulté économique étant donnée, reste encore à savoir pourquoi il y a des gens qui se lèvent et qui disent : ça ne va plus. En se soulevant, les Iraniens disaient - et c’est peut-être cela l’âme du soulèvement : il nous faut changer, bien sûr, ce régime et nous débarrasser de cet homme, il nous faut changer ce personnel corrompu, il nous faut changer tout dans le pays, l’organisation politique, le système économique, la politique étrangère. Mais surtout, il nous faut changer nous-mêmes. Il faut que notre manière d’être, notre rapport aux autres, à l’éternité, à Dieu, etc., soient complètement changé, et il n’y aura de révolution réelle qu’à la condition de ce changement radical dans notre expérience. Je crois que c’est là où l’islam a joué un rôle [49].

L’opposition entre soulèvement et révolution prend alors un nouveau relief que Foucault relève à l’occasion de la mort de Maurice Clavel qui intervient dans le contexte du soulèvement iranien :

Ce qui échappe à l’histoire, c’est l’instant, la fracture, le déchirement, l’interruption (...). La révolution s’organise selon toute une économie intérieure du temps : des conditions, des promesses, des nécessités ; elle loge donc dans l’histoire, y fait son lit et finalement s’y couche. Le soulèvement, lui, coupant le temps, dresse les hommes à la verticale de leur terre et de leur humanité [50].

Cette analyse est confirmée et développée, avec cette précision décisive : les soulèvements ont été, en quelque sorte, « colonisés » par la perspective de la révolution. Une révolution vraiment désirable ?

Les soulèvements appartiennent à l’histoire. Mais d’une certaine manière lui échappe (...) Parce qu’il est ainsi « hors d’histoire et dans l’histoire, parce que chacun y joue à la vie, à la mort, on comprend pourquoi les soulèvements ont pu trouver si facilement dans les formes religieuses leur expression et leur dramaturgie (...) Vint l’âge de la « “ révolution” ». Depuis deux siècle, celle-ci a surplombé l’histoire, organisé notre perception du temps, polarisé les espoirs. Elle a constitué un gigantesque effort pour acclimater le soulèvement à l’intérieur d’une histoire rationnelle et maîtrisable : elle lui a donné une légitimité, elle a fait le tri de ses bonnes et de ses mauvaises formes, elle a défini les lois de son déroulement ; elle lui a fixé des conditions préalables, des objectifs et des manières de s’achever. On a même défini la profession de révolutionnaire. En rapatriant ainsi le soulèvement, on a prétendu le faire apparaître dans sa vérité et l’amener jusqu’à son terme réel. Certains diront que le soulèvement s’est trouvé colonisé par la Realpolitik. D’autres qu’on lui a ouvert la dimension d’une histoire rationnelle. Je préfère la question que Horkheimer posait autrefois, question naïve, et un peu fiévreuse : “ Mais est-elle donc si désirable, cette révolution ? ” [51].

Le soulèvement iranien relance donc, en 1979, les questions posées en 1977 :

Je rêve de l’intellectuel destructeur des évidences et des universalités, celui qui repère et indique dans les inerties et les contraintes du présent les points de faiblesse, les ouvertures, les lignes de forces, celui qui sans cesse se déplace, ne sait pas au juste où il sera et ce qu’il pensera demain, car il est trop attentif au présent ; celui qui contribue, là où il est de passage, à poser la question de savoir si la révolution, ça vaut la peine, et laquelle (je veux dire quelle révolution et quelle peine), étant entendu que seuls peuvent y répondre ceux qui acceptent de risquer leur vie pour la faire [52].

Ainsi les mêmes questions demeurent : La révolution est-elle désirable ? Quelle révolution est désirable ? Vaut-il la peine et quelle peine de viser la révolution ? Ne nous hâtons pas de conclure que laissées en suspens par Foucault lui-même, ces questions auraient disparu de notre actualité avec l’effondrement des communismes stalinisés. Il reste que Foucault laissera ces questions ouvertes, comme si elles devaient le rester à jamais...

C’est pourquoi, s’il existe une politique selon Foucault - puisque lui-même se défendait d’en préconiser une - c’est une politique de la révolte : une politique de la sédition que Foucault lui-même n’a cessé de pratiquer : du soutien aux prisonniers à celui des travailleurs polonais.

III. Une politique de l’insoumission ?

Il faut le redire : de la radicalité de la contestation dépend la profondeur des transformations. Et le redire encore : « Depuis dix bonnes années s’est instauré en France - mais dans d’autres pays aussi un débat à voix multiples. Certains s’en impatientent : ils aimeraient que l’institution propose d’elle-même, et au milieu du silence des profanes, sa propre réforme. Il est bon qu’il n’en soit pas ainsi. Les transformations réelles et profondes naissent des critiques radicales, des refus qui s’affirment et des voix qui ne cassent pas [53]. »

1. Les racines de l’insoumission

Pour Foucault, du moins dans ses écrits de 1971 à 1976, l’acteur privilégié de cette révolte - de la politique de la sédition dont il constate l’existence et qu’il soutient à l’occasion sans la prescrire - c’est la plèbe - la plèbe séditieuse [54].

La plèbe séditieuse

L’existence de la plèbe est identifiée, avant qu’elle soit nommée : « ...au fond, ce dont le capitalisme a peur, à tort ou à raison, depuis 89, depuis 48, depuis 70, c’est de la sédition, de l’émeute : les gars qui descendent dans la rue avec leurs couteaux et leurs fusils, qui sont prêts à l’action directe et violente [55]. »

Ou encore :

Une chose nous a frappés, si l’on évoque l’histoire politique récente. Personne ou presque ne parle plus de la manifestation des Algériens du 17 octobre 1971. Ce jour-là et les jours suivants, des policiers ont tué dans la rue et jeté dans la Seine pour les noyer environ deux cents Algériens. En revanche, on parle toujours des neufs morts de Charonne où se termina, le 8 février 1962, une manifestation contre l’O.A.S.

À notre avis cela signifie qu’il y a toujours un groupe humain, dont les limites varient, à la merci de autres. Au XIXe siècle, on appelait ce groupe les classes dangereuses. Aujourd’hui, c’est encore la même chose.

Il y a la population des bidonvilles, celle des banlieues surpeuplées, les immigrés et tous les marginaux, jeunes et adultes. Rien d’étonnant si on retrouve surtout ceux-là devant les cours de justice ou derrière les barreaux [56].

C’est cette plèbe - ou cette partie de la plèbe - qui a été longtemps séparée du prolétariat. Avant la Révolution française, souligne Foucault, les « soulèvements populaires » associaient la plèbe marginalisée et séditieuse. Mais, déplore Foucault, au cours du XIXe siècle, « le syndicalisme ouvrier... dut, afin de se faire reconnaître, se dissocier de tous les groupes séditieux » et adopter une moralité qui « eut valeur de contrat de mariage entre le prolétariat et la petite-bourgeoisie... de 1848 jusqu’à Zola et Jaurès » [57].

Pourtant, à l’occasion de l’intervention du G.I.P, Foucault croit pouvoir constater « une première retrouvaille, une réconciliation entre une partie du prolétariat et la partie non intégrée de la population marginale » et un retour politique de la plèbe : «  […] l’étonnant, c’est que les couches marginales violentes de la population plébéienne reprennent leur conscience politique. Par exemple, ces bandes de jeunes, dans les banlieues dans certains quartiers de Paris, pour lesquels leur situation de délinquance et leur existence marginales prennent une signification politique  ». Et Foucault de donner des exemples de cette conscience liée à « l’apparition de nouveaux plébéiens ». [58]

Les révoltes dans les prisons ont donc ce sens : « Ce que les révoltes dans les prisons mettent en question, ce ne sont pas des détails, avoir ou non la télévision, ou l’autorisation de jouer au football, mais, au contraire, le statut de plébéien marginal dans la société capitaliste. Le statut de paumés » [59].

Qu’est-ce que la plèbe ? Foucault - qui souscrit à l’analyse selon laquelle la logique productiviste de Marx le conduisait nécessairement à se désintéresser du sous-prolétariat - s’efforce d’en tracer les contours. Il propose de comprendre le clivage entre le prolétariat et le sous-prolétariat, comme une coupure : « […] il y a dans la masse globale de la plèbe une coupure entre le prolétariat et la plèbe non prolétarisée », une « coupure dont le capitalisme a besoin  ». [60] Et d’appeler à une nouvelle rencontre, pour que «  il puisse y avoir entre un prolétariat qui n’a absolument pas l’idéologie de la plèbe et une plèbe qui n’a absolument pas les pratiques sociales du prolétariat, autre chose qu’une rencontre de conjoncture » [61].

Qu’est-ce que la plèbe ? L’évolution de Foucault sur ce point est manifeste : à une tentative d’identifier sa consistance sociale fait suite une rectification qui permet de la désigner comme un fait généalogique.

Dans une perspective sociologique, Foucault propose de désigner comme plèbe l’effet tout à la fois conjugué et divisé des rapports d’exploitation et des rapports de pouvoir. Dans une perspective analytique, Foucault se dégage de la tentation de substantifier la plèbe par une analytique des effets de pouvoirs : il y a « de la plèbe ».

Le refus de substantifier le pouvoir et la résistance au pouvoir est une constante de l’analytique du pouvoir et des résistances. Le pouvoir n’est pas substance : « Le pouvoir n’est pas substance. Il n’est pas non plus un mystérieux attribut dont il faudrait fouiller les origines. Le pouvoir n’est qu’un type particulier de relations entre individus [62]. » « Le pouvoir, comment s’exerce-t-il ? », telle est la question. La poser plutôt que toute autre, ce n’est en rien transformer le pouvoir en « une substance mystérieuse », au contraire [63]. « Quand j’ai commencé à m’intéresser de façon plus explicite au pouvoir, ce n’était pas du tout pour faire du pouvoir quelque chose comme une substance ou comme une fluide plus ou moins maléfique qui se répandrait dans le corps social [64]. »

La résistance n’est pas substance : « […] cette résistance dont je parle n’est pas une substance. Elle n’est pas antérieure au pouvoir qu’elle contre. Elle lui est coextensive et absolument contemporaine [65]. »

Par conséquent, la plèbe non plus n’est pas une substance : « Prendre ce point de vue de la plèbe (...) je ne pense pas que cela puisse se confondre avec un néopopulisme qui substantifierait la plèbe ou un nouveau libéralisme qui enchanterait les droits primitifs [66].  »

Dans un premier temps, donc, Foucault semble donner à la plèbe la consistance sociale d’un sujet. Mais Foucault se rectifie lui-même : l’analytique du pouvoir qui interdit de substantifier le pouvoir et les résistances interdit d’attribuer aux résistances un sujet substantifié : la plèbe est moins une catégorie sociale que l’échappée de tous les rapports de pouvoir : cible de l’exercice du pouvoir et foyer de sa contestation ; produit de ses techniques et faille de sa reproduction ; tout à la fois point d’appui, point de focalisation, point de résistance :

Il ne faut sans doute pas concevoir la « plèbe » comme le fond permanent de l’histoire, l’objectif final de tous les assujettissements, le foyer jamais tout à fait éteint de toutes les révoltes. Il n’y a sans doute pas de réalité sociologique de la « plèbe ». Mais il y a toujours quelque chose dans le corps social, dans les classes, dans les groupes, dans les individus eux-mêmes qui échappe d’une certaine façon aux relations de pouvoir ; quelque chose qui en est non point la matière première plus ou moins docile ou rétive, mais qui est le mouvement centrifuge, l’énergie inverse, l’échappée.

« La » plèbe n’existe sans doute pas, mais il y a « de la » plèbe. Il y a de la plèbe dans les corps, et dans les âmes, il y en a dans les individus, il y en a dans la bourgeoisie, mais avec une extension, des formes, des énergies, des irréductibilités diverses. Cette part de plèbe, c’est moins l’extérieur par rapport aux relations de pouvoir, que leur limite, leur envers, leur contrecoup ; c’est ce qui répond à toute avancée du pouvoir par un mouvement pour s’en dégager ; c’est donc ce qui motive tout nouveau développement des réseaux de pouvoir [67].

Cette figure énigmatique, soulève autant de questions qu’elle en résout. Mais est-elle plus énigmatique que certaines images du prolétariat ? Pourtant, cette figure elle-même semble se dissoudre : Foucault cesse bientôt d’y faire référence.

La question de l’acteur ou du sujet des résistances n’en demeure pas moins posée. En effet, si l’on peut concevoir l’existence de stratégies sans stratège ni sujet, du point de vue de la lutte, la question se pose différemment.

Comme le relève J.-A. Miller, « La question : “ Qui combat ? et contre qui” se pose nécessairement. Tu ne peux échapper ici à la question du ou plutôt des sujets (...) Enfin, qui sont pour toi les sujets qui s’opposent ? ». Réponse de Foucault : « Ce n’est qu’une hypothèse, mais je dirais : tout le monde à tout le monde. Il n’y a pas, immédiatement donnés, de sujets dont l’un serait le prolétariat et l’autre la bourgeoisie. Qui lutte contre qui ? Nous luttons tous contre tous. Et il y a toujours quelque chose en nous qui lutte contre autre chose en nous ». Et Miller d’en tirer la conséquence : « (...) en définitive, l’élément premier et dernier, ce sont les individus ? ». Et Foucault de reprendre : « Oui, les individus, et même les sous individus [68]. »

La dissolution du sujet ou de l’acteur des résistance n’est pas encore parvenue à son terme. mais, dès que les rapports de pouvoir sont précisément définis par une action sur des actions possibles, circonscrivant une liberté qu’ils façonnent et sur laquelle ils prennent appui, l’effacement de la plèbe dans le discours de Foucault ne laisse plus que l’image problématique de la part de liberté ménagée par les relations de pouvoir.

La liberté insoumise

En effet, l’exercice du pouvoir se définit moins comme une relation entre des partenaires ou des sujets que comme un mode d’action : « un mode d’action de certains sur certains autres », « une action sur l’action, sur des actions éventuelles, ou actuelles, futures ou présentes »., « un ensemble d’action sur des actions possibles ». Dans la mesure où ce mode d’action ne prend pas pour cible le corps de l’autre, mais son action, il se distingue de la violence [69]. Destiné à « conduire des conduites, le pouvoir est moins de l’ordre de l’affrontement que de l’ordre du gouvernement. Dès lors, dans l’exercice du pouvoir ainsi caractérisé, on « inclut un élément important : celui de la liberté » [70].

« La relation de pouvoir et l’insoumission de la liberté ne peuvent donc être séparées. Le problème central du pouvoir n’est pas celui de la « servitude volontaire » (...) : au cœur de la relation de pouvoir, la « provoquant sans cesse, il y a la rétivité du vouloir et l’intransivité de la liberté [71] ».

C’est donc dans la liberté des sujets que s’enracine la possibilité des résistances : « s’il est vrai que, au cœur des relations de pouvoir et comme condition permanente de leur existence, il y a une « insoumission » et des libertés essentiellement rétives, il n’y a pas de relations de pouvoir sans résistance, sans échappatoire ou fuite, sans retournement éventuel ; toute relation de pouvoir implique donc, au moins de façon virtuelle, une stratégie de lutte (...) [72].  » «  Cela veut dire que, dans les relations de pouvoir, il y a forcément possibilité de résistance, car s’il n’y avait pas de possibilité de résistance - de résistance violente, de fuite, de ruse, de stratégies qui renversent la situation -, il n’y aurait pas du tout de relations de pouvoir. (...) s’il y a des relations de pouvoir à travers tout le champ social, c’est parce qu’il y a de la liberté partout [73]. »

Les relations de pouvoir ainsi entendues sont omniprésentes et inévitables. Elles sont omniprésentes : (.. s’il y a des relations de pouvoir à travers tout le champ social, c’est parce qu’il y a de la liberté partout. » [74]. Elles sont inévitables : « Vivre en société, c’est, de toute façon, vivre de manière qu’il soit possible d’agir sur les actions les uns des autres. Une société "sans relations de pouvoir" ne peut être qu’une abstraction »[[« Le sujet et le pouvoir », 1982, Dits et écrits, t. 4, p. 239.]].

Les relations de pouvoir ainsi entendues ne sont pas intrinsèquement mauvaises : « Le pouvoir n’est pas le mal. Le pouvoir, c’est des jeux stratégiques. On sait bien que le pouvoir n’est pas le mal ! Prenez par exemple les relations sexuelles ou amoureuses : exercer du pouvoir sur l’autre, dans une espèce de jeu stratégique ouvert, où les choses pourront se renverser, ce n’est pas le mal ; cela fait partie aussi de l’amour, de la passion, du plaisir sexuel [75]. »

Quelles seront alors les cibles de l’insoumission ?

2. Les cibles de l’insoumission

Il ne s’agit pas d’abolir les relations de pouvoir, mais d’en aménager l’exercice. Il s‘agit d’en critiquer et d’en contrecarrer les dangers :

Je ne cherche pas à dire que tout est mauvais, mais que tout est dangereux - ce qui n’est pas exactement la même chose que ce qui est mauvais. Si tout est dangereux, alors nous avons toujours quelque chose à faire. Donc ma position ne conduit pas à l’apathie, mais au contraire à un hypermilitantisme pessimiste » [76]. Et Foucault de préciser : « Je crois que le choix éthico-politique que nous devons faire tous les jours, c’est de déterminer quel est le principal danger. ». Et, s’appuyant sur l’ouvrage de Robert Castel consacré à l’histoire du mouvement antipsychiatrique - La Gestion des risques - Foucault souligne que les dangers se sont déplacés des hôpitaux psychiatriques aux nouvelles formes de soins [77].

Aucune solution n’est définitive, les dangers se déplacent avec chaque déplacement du pouvoir.

« Où sont les dangers ? ». Telle est la question que Foucault retourne contre les procureurs qui accusent d’irresponsabilité tous ceux qui avaient soutenu Knobelpiess [78]. Aucune réforme de la punition, par exemple une réforme qui généraliserait les amendes au lieu de multiplier les emprisonnement, n’est exempte de danger :

Rien n’est jamais stable. Dès lors qu’il s’agit, à l’intérieur d’une société, d’une institution de pouvoir, tout est dangereux. Il est quelque chose de périlleux. En exerçant le pouvoir, ce n’est pas au mal qu’on touche mais à une matière dangereuse, c’est-à-dire dont le mésusage est toujours possible et peut avoir des conséquences négatives plus ou moins graves [79].

Parmi ces dangers, le plus important est sans nul doute celui de voir les rapports de pouvoir se transformer en rapports de domination [80].

Contrecarrer la domination .

Il faut en effet distinguer « les relations de pouvoir comme jeux stratégiques entre les libertés - jeux stratégiques qui font que les uns essaient de déterminer la conduite des autres, à quoi les autres répondent en essayant de ne pas laisser déterminer leur conduite ou en essayant de déterminer en retour la conduite des autres - et les états de domination, qui sont ce qu’on appelle d’ordinaire le pouvoir » [81].

La distinction entre relations de pouvoir et rapports de domination est malaisée. Elle pourtant est nécessaire, même si elle menace cependant d’être « un peu verbale ». [82] Mais à la différence des relations de pouvoir qui sont mobiles et réversibles, les états de dominations sont rigides et asymétriques. Sans être nécessairement annulé, l’espace de la liberté est notablement réduit.

Dans de très nombreux cas, les relations de pouvoir sont fixées de telle sorte qu’elles sont perpétuellement asymétriques et que la marge de liberté est extrêmement limitée. Pour prendre un exemple, sans doute très schématique, dans la structure conjugale traditionnelle de la société du XVIIIe et du XIXe siècle, on ne peut pas dire qu’il n’y avait que le pouvoir de l’homme : la femme pouvait faire tout un tas de choses : le tromper, lui soutirer de l’argent, se refuser sexuellement. Elle subissait cependant un état de domination, dans la mesure où tout cela n’était finalement qu’un certain nombre de ruses qui n’arrivaient jamais à renverser la situation [83].

Que faire face à ces états de domination ? Comment s’en affranchir quand ils existent ? Comment les éviter quand ils menacent ?

Tout d’abord, comment s’en affranchir ? Si les relations de pouvoir reposent sur la liberté et appellent son exercice, les états de domination suppose une libération. « L’exercice des pratiques de liberté n’exige-t-elle pas un certain degré de libération ? », demande-t-on à Foucault. « Oui, absolument », répond ce dernier avant de préciser que « la libération est parfois la condition politique et historique pour une pratique de la liberté  » [84].

En second lieu, comment les éviter ? Le pouvoir n’est pas le mal, comme le montre l’exemple des relations amoureuses, mentionné plus haut. Et Foucault de poursuivre :

Prenons aussi quelque chose qui a été l’objet de critiques souvent justifiées : l’institution pédagogique. Je ne vois pas où est le mal dans la pratique de quelqu’un qui, dans un jeu de vérité donné, sachant plus qu’un autre, lui dit ce qu’il faut faire, lui apprend, lui transmet un savoir, lui communique des techniques ; le problèmes est plutôt de savoir comment on va éviter dans ces pratiques - où le pouvoir ne peut pas ne pas jouer et où il n’est pas mauvais en soi - les effets de domination qui vont faire qu’un gosse sera soumis à l’autorité arbitraire et inutile d’un instituteur, un étudiant sous la coupe d’un professeur autoritaire, etc. [85]

Comment les éviter en effet ? Réponse de Foucault : « Je crois qu’il faut poser ce problème en termes de règles de droit, de techniques rationnelles de gouvernement et d’êthos, de pratique de soi et de liberté » [86]. Les pratiques de liberté sont donc à la fois la garantie des jeux de pouvoirs contre les états de domination, et la fin ultime de toute libération de ces états.

Un même glissement affecte, au fil des textes, l’ensemble du réseau conceptuel du discours de Foucault. La distinction mieux établie entre rapports de pouvoir et rapports de domination semble renvoyer à des moments différents de constitution et d’action, ainsi que les rôles respectifs d’une liberté insoumise et d’une plèbe séditieuse. Et, du même coup, les cibles des résistances se dispersent sur toute la surface de la société, pour ne se concentrer, quand elles se concentrent, que sur le gouvernement.

Mettre en question le gouvernement.

Le gouvernement désigne chez Foucault, en dehors de l’usage commun qu’il préserve inévitablement, le mode d’action propre à l’exercice du pouvoir.

Les déplacements successifs de l’analytique du pouvoir, les modifications incessantes de l’analyse des relations de pouvoir et des luttes qui s’inscrivent dans ces relations, ne sont pas sans effets sur les cibles que l’analytique semble en mesure non seulement de décrire, mais de désigner.

Les résistances prennent pour cibles le biopouvoir s’insurgent contre le pouvoir qui prend la vie pour objet Foucault, dans La Volonté de Savoir le laissait déjà entrevoir : « Ce qui est revendiqué et sert d’objectif, c’est la vie ». Et de préciser, dans un contexte politique où la question des droits de l’homme retrouve une nouvelle vigueur : « C’est la vie beaucoup plus que le droit qui devient l’enjeu des luttes politiques, même si celles-ci se formulent à travers des affirmations de droit ». Ce sont des « droits à », dont Foucault dresse une liste qui n’est la exhaustive : « Le “droit” à la vie, au corps, à la santé, au bonheur, le “droit” par-delà toutes les oppressions ou ”aliénations” […] [87]. »

Ainsi, à mesure que le biopouvoir apparaît comme une forme d’existence et d’exercice du pouvoir pastoral et du gouvernement, ce sont eux viennent au premier plan comme cibles politiques. Il faut revenir sur les principales étapes de cette évolution.

Avril 1978 : Foucault, d’un même mouvement prend acte de la fin du monopole de la révolution, constate que cette fin n’implique aucune revalorisation du réformisme et souligne que les nouvelles luttes contre le pouvoir au quotidien visent le pouvoir pastoral [88].

Octobre 1979 : Foucault montre comment la rationalité politique « s’est d’abord enracinée dans l’idée de pouvoir pastoral, puis dans celle de raison d’État », souligne que « l’individualisation et la totalisation en sont des effets inévitables », et conclut : « La libération ne peut venir que de l’attaque non pas de l’un ou de l’autre de ces effets, mais des racines mêmes de la rationalité politique [89]. »

1982 : Ce sont essentiellement les formes individualisantes du pouvoir qui sont données pour cibles. Quelle est la forme de gouvernement que vise aujourd’hui les résistances ? Foucault la désigne comme « le gouvernement par l’individualisation » [90]. Elles participent des luttes qui « combattent tout ce qui lie l’individu à lui-même et assure ainsi sa soumission aux autres... » [91].

Que signifie « gouverner » et « être gouverné » ? C’est autour de cette double question que s’organise progressivement la réflexion de Foucault. C’est en fonction des réponses qu’elles admettent que se distribuent ses prises de position, particulièrement face à la perspective, puis à la pratique du gouvernement « de gauche ».

Au fil des textes de Foucault, l’existence même d’un acteur ou d’un sujet des résistances s’est dispersée. La « part » de plèbe s’est résolue dans les individus et leur part de liberté. Peu à peu, l’identité de l’auteur des résistances s’est dissous comme se sont dispersées, semble-t-il, les cibles de leur multiplication. Alors se dessine une politique de la sédition permanente et de subversion sans fin : l’indéfini de la lutte, la déstabilisation apparemment sans fin des mécanismes de pouvoir, les victoires provisoirement sanctionnées par des réformes. Comme si la perspective d’une révolution devait reculer sans cesse au point de disparaître... Pourtant, Foucault ne se borne pas à opter sans la prescrire pour une politique de la sédition qui exclurait toute politique de la révolution. Sa pensée est plus complexe et plus hésitante. Et il y a plus à apprendre de ses hésitations que de ses simplifications, de sa complexité que de sa légende.

* * *

Si la révolution n’est pas assurément désirable, si le soulèvement n’est pas toujours soutenable, si les réformes ne sont pas présentables et si les résistances sont vouées à se déployer sans cesse et sans fin - la politique ne saurait être qu’une politique de l’insoumission toujours recommencée. Faut-il le déplorer ?

Une politique qui s’interdit de prescrire des réformes, mais se félicite de celles que la critique et la révolte parviennent à arracher ; une politique qui trace les contours d’une révolution possible et désirable, mais ne cesse de se demander si elle est vraiment désirable, sans jamais la préconiser ; une politique qui déplace ou refuse la ligne partage classique entre réforme et révolution sans proposer de nouvel horizon ; une politique qui analyse et, le cas échéant, soutient les résistances qui lacèrent l’exercice quotidien du pouvoir et les soulèvements qui déchirent l’histoire de la domination, mais sans leur proposer de cibles - une telle politique en mérite-t-elle encore le nom ?

Faut-il l’imputer aux déplacements imposés par l’exercice de la philosophie ou aux découragements consécutifs aux méandres de la politique ? Il est vrai que, du moins dans les propos et écrits publics de Michel Foucault, la tentation d’une option politique s’efface au bénéfice d’un renforcement de l’attitude éthique qui lui donnait son sens. En-deçà de l’histoire et de la politique ? La politique comme éthique...

Henri Maler

À suivre

Notes

[1Voir notamment Didier Eribon, Michel Foucault, Le Livre de poche, Flammarion, 1989.Troisième partie : « Militant et professeur au Collège de France ».et, surtout, de David Macey, Michel Foucault, Gallimard, 1994, chapitres Xi et XII.

[2« Qui êtes-vous professeur Foucault », entretien avec P Carus, septembre 1967, Dits et écrits, t. 1, p. 618.

[3. « Interview avec Michel Foucault », entretien avec I. Lindung, mars 1968, Dits et écrits, t. 1, p. 655.

[4« Interview avec Michel Foucault », art. cit., , p. 658.

[5Foucault répond à Sartre », entretien avec J.P. Elkabach,, mars 1968, Dits et écrits, t. 1, p.-668

[6Inacceptable, intolérable. Ces vocables parsèment les Dits et écrits : t 2, p. 177, 205, 208, 223, 419 ; t.3, p.7-9 ; t 4, 79, etc.

[7« Conversation avec Michel Foucault », publiée en avril 1971, Dits et écrits, t. 2, p. 190.

[8Créé le 8 février 1971 à la suite d’un manifeste signé par Jean-Marie Domenach, Michel Foucault et Pierre Vidal-Naquet.

[9« Préface » à Enquête sur vingt prisons, 1971, Dits et écrits, t. 2, p. 195.

[10« Je perçois l’intolérable », entretien publié en juillet 1971, Dits et écrits, t. 2, p. 204

[11« Par-delà le Bien et le Mal », entretien, Actuel, , novembre 1971, Dits et écrits, t. 2, p. 231.

[12« Les intellectuels et le pouvoir », 1972, Dits et écrits, t. 2, p. 315.

[13« Est-il donc important de penser ? », Dits et écrits, t. 4, p. 181.

[14« Un problème m’intéresse depuis longtemps... », 1971, Dits et écrits, t. 2, p. 207.

[15« Préface, in R. Knobelpiess, QHS : Quartier de haute sécurité, 1980, Dits et écrits, t. 4, p. 7.

[16« Le monde est un grand asile », Dits et écrits, t. 2, p. 443.

[17« La philosophie analytique de la politique », conférence donnée le 27 avril 1978 à Tokyo , Dits et écrits, t. 3, p. 543.

[18« La philosophie analytique de la politique », art. cit., Dits et écrits, t. 3, p. 547.

[19« Enferment, psychiatrie, prison », 1977, Dits et écrits, t. 3, p. 348.

[20« Enferment, psychiatrie, prison », art. cit., t. 3, p. 360.

[21« Table ronde du 20 mai 1978 », Dits et écrits, t. 4, p. 31-32.

[22« Est-t-il donc important de penser ? », 1981, Dits et écrits, t. 4, p. 181.

[23« Non au sexe roi », entretien avec B.-H Lévy, Le Nouvel Observateur, 17-21 mars 1977, Dits et écrits, t. 3, p. 267.

[24« Théatrum philosophicum », , article dans Critique, novembre 1970, 1970, Dits et écrits, t. 2, p. 93.

[25« À propos de la généalogie de l’éthique », 1984, Dits et écrits, t. 4, p. 612.

[26« Pouvoirs et stratégies » , entretien avec Jacques Rancière, Les Révoltes logiques, N°4, hiver, 1977, Dits et écrits, t. 3, p. 426.

[27« Pouvoirs et stratégies », art. cit., p. 426..

[28« Sexualité et politique », 1978, Dits et écrits, t. 3, p. 529-530.

[29« Le savoir comme crime », avril 1976, Dits et écrits, t. 3, p. 85-86.

[30« Non au sexe roi », entretien avec B.-H Lévy, Le Nouvel Observateur, 17-21 mars 1977, Dits et écrits, t. 3, p. 267.

[31« Introduction par Michel Foucault », 1978, Dits et écrits, t. 3, p. 433.

[32« Qu’est-ce que les lumières », Extrait du cours du 5 janvier 1983, Dits et écrits, t. 4, p. 682.

[33« Qu’est-ce que les lumières », art. cit., p. 687. Souligné par moi.

[34« La grande colère des faits », Le Nouvel Observateur, 9 Mai 1977, Dits et écrits, t. 3, p. 279-280.

[35« Pouvoir et corps », entretien de juin 1975, Quel corps ?, septembre-octobre 1975, Dits et écrits, t.2 p. 758.

[36« Entretien avec Michel Foucault », juin 1976, Dits et écrits, t. 3, p. 151.

[37« La vérité et les formes juridiques », (mai 1973), Dits et écrits, t. 2, p. 643.

[38« Non au sexe roi », entretien avec B.-H Lévy, Le Nouvel Observateur, 17-21 mars 1977, Dits et écrits, t. 3, p. 266.

[39« Non au sexe roi », art. cit., Dits et écrits, t. 3, p. 267.

[40« La philosophie analytique de la politique », 27 avril 1978 à Tokyo, Dits et écrits, t. 3, p. 547.

[41« La philosophie analytique de la politique », art cit., Dits et écrits, t. 3, p. 551.

[42« Michel Foucault et le zen : séjour dans un temple zen », Japon, août-septembre 1978, Dits et écrits, t. 3, p. 623.

[43« La philosophie analytique de la politique », avril 1978 à Tokyo, Dits et écrits, t. 3, p. 547-548. Le pouvoir pastoral, selon Foucault, prend en charge le troupeau et chacune des brebis du troupeau.

[44Le pouvoir pastoral, selon Foucault, prend en charge le troupeau et chacune des brebis du troupeau.

[45Hervé Malagola, « Foucault en Iran », in Michel Foucault, Les jeux de la vérité et du pouvoir, op. cit, pp. 151-162.

[46Soulèvement (index) : Dits et écrits, t. 3, p. 130, 749 « Une interview de Michel Foucault par Stephen Riggins », Dits et écrits, t. 4, p. 534.

[47« À propos de la prison d’Attica », 1974, Dits et écrits, t. 2, p. 534.

[48« L’esprit d’un monde sans esprit », 1979, Dits et écrits, t. 3, p. 744.

[49« L’esprit d’un monde sans esprit », art. cit., Dits et écrits, t. 3, p. 748.

[50« Vivre autrement le temps », 30 avril-6 mai 1979, Dits et écrits, t. 3, p. 790.

[51« Inutile de se soulever ? », 11-12 mai 1979, Dits et écrits, t. 3, p. 790-791.

[52« Non au sexe Roi », entretien avec B.-H Lévy, Le Nouvel Observateur, 17-21 mars 1977, Dits et écrits, t. 3, p. 268-269.

[53« Préface » in R. Knobelpiesse, QHS, Quartier de haute sécurité, Dits et écrits, t. 4, p. 7.

[54Foucault qui la mentionne (« Entretien avec Michel Foucault » (Sur L’ Archéologie du Savoir ), 1971, Dits et écrits, t. 2, p. 151) connaît la position de Nietzsche sur la plèbe et sur son rôle, mais il n’en tient pas compte dans ses propres analyses

[55« Table ronde », Esprit, mai-juin 1972, Dits et écrits, t.2 p. 334.

[56« Enquête sur les prisons : brisons les barreaux du silence », Dits et écrits, t.2, 182.

[57« A propos de la prison d’Attica », Dits et écrits, t. 2, p. 534.

[58« Les intellectuels et le pouvoir », Dits et écrits, t. 2, p. 303.

[59. « Les intellectuels et le pouvoir », art. cit., Dits et écrits, t. 2, p. 306.

[60« Table ronde », Esprit, mai-juin 1972, Dits et écrits, t.2 p. 334.

[61« Table ronde », Esprit, mai-juin 1972, art. cit., t.2 p. 336. Foucault revient sur ces visages de la plèbe dans son débat avec les maos sur la justice populaire. « Sur la justice populaire. Débat avec les maos », Dits et écrits, t. 2, p. 350-360. Analyse en partie rectifiée dans « A propos de l’enfermement pénitentiaire », Dits et écrits, t. 2, p. 437-438 et « Interview de Michel Foucault », Dits et écrits, t. 4, p. 663-664

[62« Omnes et singulatim », 1981, Dits et écrits, t. 4, p. 160.

[63« Le sujet et le pouvoir », 1982, Dits et écrits, t. 4, p. 232.

[64« L’intellectuel et les pouvoirs », Dits et écrits, t. 4, p. 750.

[65« Non au sexe roi », entretien avec B.-H. Lévy, mars 1977, Dits et écrits, t. 3, p. 267.

[66« Pouvoirs et stratégie », entretien avec Jacques Rancière, Les révoltes logique, hiver 1977, Dits et écrits, t. 3, p. 422.

[675. « Pouvoirs et stratégie », art. cit., Dits et écrits, t.3 p. 421- 422.

[68« Le jeu de Michel Foucault », juillet 1977, Dits et écrits, t. 3, p. 310-311

[69« Le sujet et le pouvoir », 1982, Dits et écrits, t. 4, p. 236-237.

[70« Le sujet et le pouvoir », art. cit., Dits et écrits, t. 4, p. 237,

[71« Le sujet et le pouvoir », art. cit., p. 238.

[72« Le sujet et le pouvoir », art. cit., p. 242.

[73« L’éthique du souci de soi comme pratique de la liberté », 1984, Dits et écrits, t. 4, p. 720.

[74« L’éthique du souci de soi comme pratique de la liberté », 1984, Dits et écrits, t. 4, p. 720.

[75« L’éthique du souci de soi comme pratique de la liberté », 1984, Dits et écrits, t. 4, p. 727.

[76« A propos de la généalogie de l’éthique », 1983, Dits et écrits, t. 4, p. 386.

[77« A propos de la généalogie de l’éthique », art. cit., t. 4, p. 386.

[78« Vous êtes dangereux », Dits et écrits, t. 4, p. 524.

[79« Interview de Michel Foucault », 1984, Dits et écrits, t. 4, p. 694.

[80Domination : (absent de l’index) : Dits et écrits, t. 4, p. 243, 589, 711, 720-721, 727, 728.

[81« L’éthique du souci de soi... », 1984, Dits et écrits, t. 4, p. 728.

[82Dits et écrits, t. 4, p. 589.

[83« L’éthique du souci de soi... », 1984, Dits et écrits, t. 4, p. 720-721.

[84« L’éthique du souci de soi... », art. cit., t. 4, p. 710-711 (souligné par moi). Voir également... Dits et écrits, t. 4, p. 721.

[85« L’éthique du souci de soi... », art. cit, p. 727.

[86Ibidem..

[87La Volonté de savoir (1976),Tel Gallimard, p. 191.

[88Dits et écrits, t. 3, p. 547 sq.

[89« Omnes et singulatim : vers une critique de la raison politique », Dits et écrits, t. 4, p. 161.

[90« Le sujet et le pouvoir », 1982, Dits et écrits, t. 4, p. 227.

[91Ibidem.