Front national : indignations sélectives et banalisation effective [2014]
Dix ans ont passé depuis les élections européenne de mai 2014 et la publication de cet article dans la revue Savoir/Agir n° 29 de septembre 2014 pages 95 à 103. . Analyse actuelle, mais révisable, publiée ici même un mois avant les élections européennes de juin 2024.
Depuis les élections européennes du dimanche 25 mai [2014] et la victoire du Front national, le sens et la portée des résultats ont fait l’objet d’innombrables commentaires. Mais à quelques réserves près, une seule question retiendra notre attention : dans quelle mesure et comment les médias dominants favorisent-ils le Front national, non seulement en cette occasion, mais de façon plus générale ?
Un rôle effectif, mais second, voire secondaire
Commençons par éliminer deux idées reçues, non pour nier d’emblée un quelconque rôle des médias dans les dynamiques politiques actuelles, mais pour aller à l’encontre de certains raccourcis en vogue, qui desservent plus qu’ils ne servent la critique des médias.
Non, les médias ne sont pas les principaux responsables de la montée du Front national. Ce serait leur prêter un « pouvoir » disproportionné que d’expliquer prioritairement par leur rôle l’écho que rencontrent les « thèses » et « thèmes » portés par le Front national, ainsi que ses scores électoraux. Les médias ne créent pas les mouvements d’opinion : ils peuvent les accompagner, les amplifier ou les brider. Les médias n’interviennent pas isolément : leur « pouvoir » n’existe qu’en résonance ou en convergence avec d’autres pouvoirs, à commencer par le pouvoir politique. Enfin, ce serait faire bien peu de cas des intelligences individuelles et collectives que de penser que certaines pratiques et postures journalistiques et éditoriales, aussi répandues et critiquables soient-elles, s’imposent mécaniquement [1] . Nul besoin pour s’en convaincre de se référer aux enseignements de la sociologie de la réception (que l’on aurait tort de mésestimer) : il suffit de se souvenir de l’expérience du référendum de 2005 sur le Traité constitutionnel européen (TCE) pour s’en convaincre [2] . Et c’est aussi à rebours de leur condamnation médiatique que les partisans du Front national forgent leurs convictions.
Non, ce n’est pas le temps de parole accordé aux représentants de ce parti ou à la mise en discussion, en leur présence, de leurs prises de position qui est en cause, du moins tant que ce temps se tient dans les limites des résultats enregistrés lors du premier tour des élections législatives (qui, pour les partis politiques, sont le moins pire des critères pour réguler leur présence médiatique) [3] et tant que le temps de parole consacré au Front national, en présence ou non de ses représentants – nous y reviendrons – ne se focalise pas sur les sondages, les pronostics et les résultats, au détriment de toute autre discussion. Dans tous les cas, ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fait tomber la fièvre. Ce n’est pas en privant le Front national d’expression démocratique que l’on combat ses tentations pour le moins anti-démocratiques. Au contraire : la sous-représentation médiatique du Front national aurait continué à alimenter sa « victimisation ».
Oui, le rôle des médias est second, voire secondaire. Pour s’en convaincre il suffit de mentionner, sans prétendre proposer une analyse qui excède les limites que l’on peut assigner à la critique des médias, quelques facteurs explicatifs de l’enracinement du Front national qu’il serait incongru, pour ne pas dire dangereux, d’ignorer ou de négliger.
Cet enracinement est avant tout l’un des effets de la longue crise du capitalisme et de sa gestion néo-libérale, économiquement inefficace et socialement désastreuse, par les gouvernements qui se succèdent en France sans que les politiques changent radicalement. Cette crise, à elle seule, n’expliquerait pas la place prise par le Front national si elle ne se doublait pas d’une crise politique de la représentation par les partis dominants et d’une crise sociale qui met durement à l’épreuve les solidarités ouvrières et populaires : reflux des luttes sociales victorieuses, recul de la perspective d’une inversion des rapports de forces par des mobilisations collectives et, par conséquent, tentations du repli, qu’il soit national, identitaire ou communautaire. On comprend dès lors que la question nationale, dans sa version nationaliste, se substitue, pour de larges franges de la population, à la question sociale.
Si ce sont là les facteurs prépondérants de la place politique prise par le Front national, il n’est nul besoin de l’attribuer à la place qu’il occupe dans l’espace médiatique, voire à une « lepénisation » des médias eux-mêmes ou à une « lepénisation des esprits » dont ces médias seraient les principaux responsables.
Tout au plus peut-on leur prêter, mais c’est déjà beaucoup et beaucoup trop, des fonctions de légitimation et d’incitation : légitimation de thèmes portés par le Front national, incitation à lui faire confiance. Encore ne s’agit-il là que des tendances les plus lourdes. Sans doute, le traitement médiatique du Front national et des thèmes qu’il affectionne ne se résume-t-il pas à ces tendances : dans la presse écrite, les quotidiens et les hebdomadaires nationaux sont des médias de parti pris qui ne font pas uniformément le lit du Front national. Mais leur influence ne cesse de décliner au regard des radios et, surtout, des télévisions. Ce sont ces dernières qui sont particulièrement en cause.
La dépolitisation médiatique de la politique
Si les médias ou, du moins nombre d’entre eux, contribuent, même indirectement, à favoriser le Front national, c’est d’abord – bien que cette cause ne soit sans doute pas la principale – en raison de modes de traitement des questions politiques qui reposent, pour le formuler de manière abrupte, sur une dépolitisation de la politique.
La mise en scène médiatique des enjeux politiques est focalisée sur les confrontations qui agitent le microcosme partisan, au détriment, trop souvent, de l’information sur les débats de fond, les positions, les propositions, les projets. Quand elles ne se limitent pas au recensement des « petites phrases » et des « bons mots » que l’on commente longuement, les informations et les analyses se concentrent sur les stratégies de communication des acteurs politiques, sur des bruits de couloir, sur les chamailleries internes, sur les enquêtes de popularité, sur les ambitions personnelles, etc. Une telle focalisation sur les questions qui préoccupent le microcosme médiatico-politique, et non sur les problèmes dont les politiques sont censés s’occuper, accrédite une version politicienne de la politique, qui en détourne de larges fractions de la population (en particulier dans les classes populaires) et contribue à légitimer le discours « antisystème » du Front national.
Le traitement médiatique des « affaires » n’est pas non plus sans effets. Ce sont sans nul doute ces « affaires » elles-mêmes qui ont les conséquences les plus nocives. Et les enquêtes journalistiques qui les révèlent et/ou les médiatisent sont plus que souhaitables. Mais cette médiatisation ne garantit pas, en elle-même, des effets vertueux pour la démocratie, surtout quand elle s’en tient à des récits des circonstances particulières des malversations et des trajectoires personnelles de leurs auteurs, sans mettre en question les structures économiques et institutionnelles qui permettent et favorisent ces malversations. Une telle mise en scène nourrit moins une exigence démocratique radicale de transformation de ces structures qu’une contestation impuissante d’un « tous pourris », auquel s’abreuve le Front national.
Or les questions économiques et sociales sont elles-mêmes dépolitisées. Entendons par là que les questions économiques et sociales, souvent abordées à partir de quelques-uns de leurs effets de surface, sont soustraites à un débat public qui, à quelques exceptions près, ne se résume pas au trop ou au trop peu qui distingue la droite et la gauche politiquement dominantes.
La construction médiatique des cibles de la peur et de la haine
Ainsi en va-t-il particulièrement de la promotion et de la mise en scène de thèmes réputés refléter la réalité, qui alimentent le caddie du Front national, sans qu’il ait besoin de faire lui-même son marché : insécurité, immigration, islam.
Le traitement médiatique du problème de la sécurité des biens et des personnes soustrait généralement sa résolution à toute autre option politique que l’alternative entre le trop (réputé « sécuritaire ») ou le trop peu (réputé « laxiste ») de la répression. Or si personne ne songe à nier que la sécurité des biens et des personnes fasse problème, affirmer ou laisser dire que les causes de la délinquance, ce sont les délinquants eux-mêmes et que l’origine nationale (voire ethnique) de leurs parents l’emporte sur leurs conditions d’existence, c’est, dans nombre des médias, légitimer des discours de haine qui résonnent dans ceux du Front national. De même, monter en épingle les faits divers délictueux qui envahissent les informations télévisées [4]] et multiplier les reportages et les enquêtes sur les prouesses de la police et de la gendarmerie, au détriment des enquêtes sur la misère sociale [5]
Sur l’insécurité, l’immigration ou l’islam, une même conclusion semble dès lors s’imposer, dont témoignent d’innombrables micros-trottoirs qui, pour une fois, ne mentent pas : « Avec ce qu’on voit à la télé ! ». Or ce que l’on voit à la télé, ce n’est pas cette réalité qu’il serait malséant de nier, mais la construction médiatique de cette réalité, indexée sur l’audimat. Une construction qui cultive toutes les peurs et les intensifie : tant il est vrai que, parmi les effets reconnus par les études de réceptions, la peur est un sentiment que la télévision répand plus que tout autre et qui – sur l’insécurité, l’immigration, l’islam – gave le Front national de partisans, de sympathisants et d’électeurs.
Sans doute ces réductions ne sont-elles pas le fait de tous les médias, mais elles sont omniprésentes dans les médias les plus consultés : les radios et surtout les télévisions. Et quand bien même, pour ne prendre qu’un exemple, les articles du Point seraient moins caricaturaux que ses « unes » [6] et les lecteurs de cet hebdomadaire minoritairement tentés par le Front national, l’affichage des « unes » dans l’espace public contribue à une banalisation des thèmes chers au Front national. Une banalisation à laquelle concourent de trop nombreux médias. Au cœur de cette banalisation, l’idée absurde selon laquelle le Front national poserait de vrais problèmes, mais apporterait de mauvaises solutions : comme si les solutions n’étaient pas largement impliquées dans la façon de poser les problèmes.
Le dévergondage médiatique, particulièrement à la télévision, légitime les cibles qui font partie du patrimoine du Front national : on a pu le vérifier une fois encore quand, comme nous l’avions relevé, à l’occasion d’un débat sur l’Europe, « Pujadas tend la perche à Marine Le Pen ». Mais cette dépolitisation sensationnaliste n’est pas la seule.
La construction médiatique de débats mutilés
Depuis de longs mois (et récemment à l’occasion des « municipales » et surtout des « européennes » de 2014), le Front national a « enrichi » son patrimoine en se mobilisant sur la crise économique, les fermetures d’usines, les licenciements et toutes les formes de la misère sociale en prenant pour cibles la finance, « l’européisme » et « le mondialisme ». Qui pourrait faire grief aux médias dominants d’aborder notamment la question de l’Union européenne, du rôle de l’euro et plus généralement des politiques économiques ? Mais comment le font-ils ? En mutilant la présentation des options possibles. Autre forme de dépolitisation.
Le traitement médiatique de « la question européenne », de façon générale et pas seulement à l’occasion des récentes élections, favorise le Front national bien au-delà du temps qui lui est attribué ou qui lui est consacré. L’opposition d’un simplisme consternant entre « pro-européens » et « anti-européens » (selon une appellation parfois tempérée par celle d’« eurosceptiques », mais confirmée par celle d’« europhobes ») défigure le débat : cette opposition, quand elle est médiatiquement construite, confie en effet la défense d’un projet européen, quel qu’il soit, aux seuls partis qui chérissent l’Union européenne (sous réserve de quelques transformations). Dans la foulée, la même opposition amalgame toutes les critiques de l’Union européenne et les place sous l’égide quasi exclusive du nationalisme exacerbé du Front national. Au point que tous les « Non » à cette Europe, que l’on propose ou non de la quitter, sont, peu ou prou, présentés comme de simples variantes de ce nationalisme-là.
Le traitement médiatique des « questions économiques », fortement lié à « la question européenne », emprisonne les réponses dans des alternatives qui, une fois encore, font la part belle aux économistes orthodoxes (et aux partis qui les reprennent plus ou moins), en attribuant à toutes les variantes de l’hétérodoxie une place subalterne et en confiant au Front national leur représentation politique. « Pour » ou « contre » l’euro (que ce soit pour l’abandonner ou le refonder), « pour » ou « contre » des formes de protectionnisme (qu’il soit national ou européen) : tels sont les choix qui, tels qu’ils sont communément présentés, légitiment le libéralisme et le monétarisme économiques dominants et transforment, dans les discours médiatiques en vogue, tous les opposants en partenaires malgré eux du Front national !
La dépolitisation médiatique du Front national lui-même
Prisonniers de leurs présupposés politiques, la plupart des chroniqueurs et commentateurs, du moins en radios et télévisions, ne parviennent ni à exposer ni à discuter des thèses du Front national. En revanche, le privilège accordé aux jeux politiciens sur les enjeux politiques produit ici de néfastes effets.
Le traitement médiatique des sondages et des résultats électoraux contribue à placer le Front national au centre du débat politique. La surinterprétation de ces sondages [7] et de ces résultats qui, répétons-le, ne sont pas l’expression chimiquement pure d’une « opinion publique » scientifiquement objectivable et mesurable, contribue à l’imposition du Front national au centre de la vie politique française et du débat public, renforçant dès lors – en les légitimant – les ambitions du parti présidé par Marine Le Pen. Ainsi, il suffit d’être en tête d’une élection pour que dans la bouche de nombre de commentateurs qui ont oublié leurs cours de sociologie politique (s’ils les ont jamais suivis), le Front national devienne « le premier parti de France »… comme le Front national lui-même s’est empressé de le proclamer par affiches le lendemain de l’élection européenne.
Le traitement médiatique des images du Front national et de Marine Le Pen, quand il n’épouse pas les images qu’ils veulent donner d’eux-mêmes, mobilise les commentateurs (secondés par des communicants) au détriment de la discussion des propositions de ce parti. Comme si les comparaisons entre le ton et le style (quand ce ne sont pas les apparences physiques et vestimentaires) de Marine Le Pen et de son père n’accréditaient pas l’existence de différences qu’il conviendrait d’abord de mesurer sur le terrain des positions et des pratiques politiques. Comme si les commentateurs et communicants qui se livrent à ces comparaisons ne contribuaient pas, parfois malgré eux, au déplacement sur le terrain des apparences du débat autour d’une prétendue « rénovation » du Front national, légitimant ainsi cette idée de « nouveauté », qu’un examen et une analyse sérieuse des propositions du Front national pourraient pourtant largement démentir. Ce faisant, les médias dominants contribuent à la dépolitisation du Front national en relativisant l’examen de la nature de son projet politique et social.
La dépolitisation de la critique du Front national épouse celle de sa mise en scène. L’administration récurrente (avec le concours des forces politiques) de cours de morale républicaine qui ne répondent en rien à ce qu’ils prétendent combattre, alors que tout le reste (voir ci-dessus) le légitime peu ou prou, demeure en deçà de toute mise en question. Mais à la prétendue « diabolisation » que le Front national dénonçait a succédé une « dédiabolisation » à laquelle les médias ont concouru. S’interroger sur la réalité de la « dédiabolisation », sur les moyens employés par le Front national pour y prétendre, etc… contribue largement à ladite « dédiabolisation ». En discutant et commentant les stratégies déployées par le Front national pour se normaliser, on accrédite l’idée selon laquelle il tendrait vers une normalisation et on concourt à cette normalisation. En d’autres termes, en ce cas, dire c’est faire : annoncer que le Front national se normalise contribue à sa normalisation… médiatique. Ce que l’on peut analyser comme une normalisation performative.
Que des médias d’opinion ou de parti pris, comme le sont ouvertement les quotidiens et hebdomadaires nationaux, exercent leur liberté d’opinion et prennent parti, rien de plus normal. Mais ceux qui, peu ou prou, cèdent aux tentations que nous avons relevées devraient retenir leurs larmes quand ils déplorent l’impact du Front national. Un peu moins d’inconscience ou de cynisme de leurs chefferies ne nuirait pas au débat démocratique quand on sait l’influence qu’elles exercent sur les autres médias. Mais ce sont surtout les télévisions et les radios généralistes, particulièrement (mais pas seulement) du secteur public qui devraient réviser (mais ne rêvons pas trop !) leurs options éditoriales et leurs programmes, quand ceux-ci incitent à la complaisance à l’égard du Front national. Non que celle-ci soit nécessairement intentionnelle. Mais moins de révérence à l’égard des institutions et aux effets du scrutin majoritaire, moins de soumission à la recherche commerciale de la plus large audience pourraient répondre à des exigences effectivement démocratiques. Les indignations contre la xénophobie et le nationalisme ranci seraient peut-être un peu moins impuissantes si la banalisation du Front national ne faisait pas bon ménage avec elles. Il serait ainsi de bon ton de ne pas jouer aux pompiers pyromanes, en entretenant, par les pratiques analysées ci-dessus, la flamme du Front national : si ce dernier aime toujours autant dénoncer « les » journalistes et « les » médias, le moins que l’on puisse dire est que cette rhétorique est de moins en moins fondée.
P.S. La dernière saillie de Jean-Marie Le Pen (sur la place réservée à Patrick Bruel dans la prochaine « fournée ») a suscité, comme il se doit, des indignations quasi unanimes, notamment dans les médias... Mais elle a permis aussi à quelques leaders du Front national de se dédouaner à peu de frais pour se décerner un brevet de respectabilité... dont nombre de médias se sont faits largement et complaisamment l’écho. Nous en sommes là !
Henri Maler et Julien Salingue
Annexe : Sur le sens et la portée du score électoral du Front national
Les chiffres ne parlent pas d’eux-mêmes. Aussi sont-ils matière à controverses. Faut-il s’alarmer sans retenue ou se rassurer à peu de frais ? Pas si simple…
Si comme Philippe Pelletier le propose [8]] on prend en compte le nombre d’électeurs qui accordent leur suffrage au Front National, la victoire électorale de mai 2014 témoigne d’une persistance et non d’une percée : « Si on résume, l’étiage du FN depuis sa percée électorale à la fin des années 1980 se situe à 2 millions de voix (européennes de 1994). Il tourne autour de 4 millions de voix entre 1988 et 2007 (4,3 aux présidentielles de 1988, 3,7 aux législatives de 1997, 3,5 aux régionales de 2004)… Autrement dit, son score des européennes de 2014 (4,7 millions) se situe au-dessus de la moyenne des décennies précédentes, mais il n’en bat pas les records (6,3 en 2012). »
Il en va de même si on rapporte le score au nombre d’électeurs inscrits (et donc que l’on prend en compte l’abstention), comme nous l’écrit l’un de nos correspondants : Les résultats lors des dernières européennes montreraient que « un électeur sur quatre » aurait voté FN (24,86 %). Pourtant, une lecture plus juste serait de considérer non pas les bulletins exprimés, mais les inscrits (incluant donc l’abstention, les nuls et les blancs). Dès lors, le score du FN aux européennes de 2014 chute brutalement (10,12 %) et se retrouve en deçà du fameux premier tour de l’élection présidentielle de 2002 (11,66 %). On constate également que le nombre d’électeurs FN par rapport aux nombre d’inscrits a baissé depuis... 1995 (11,43 %). Et que celui du premier tour de 2012 – le plus élevé de l’histoire du FN (13,95 %) – est, grosso modo, le même que celui du second tour de 2002 (13,41 %). Enfin, si 6,4 millions inscrits ont voté pour Marine Le Pen en 2012, près de 40 millions d’électeurs n’ont pas voté pour le FN. On est encore loin du fascisme rampant. »
En revanche, si l’on prend en compte la nature du scrutin (sur l’Europe) et si l’on compare avec les élections européennes précédentes, le FN gagne beaucoup de voix, comme nous l’écrit un autre correspondant : « En 2009 ils récoltaient 1,1 millions de voix, en 2004 1,7 millions, en 1999 1 million, en 1994, 2 millions, etc. Et, à moins de considérer que parmi les abstentionnistes le FN est largement sous-représenté (je ne me hasarderais pas à formuler cette hypothèse...), il n’y aucune raison que le FN ne progressera pas en voix aux prochaines présidentielles, à moins d’un sursaut en termes de mobilisations, d’une victoire sociale, etc. D’autant que les conflits s’accentuent à l’UMP et que le PS approfondit sa politique pro-patronale. »
Mais si les chiffres ne parlent pas d’eux-mêmes, c’est parce qu’ils ne mesurent pas l’enracinement du Front national : à la fois l’audience de ses thèses et, à la faveur des derniers scrutins, les progrès (encore limités dans les municipalités, mais consistants – ressources financières à la clé – au Parlement européen) de son implantation.
Tout cela se discute… et ce n’est pas notre propos. En revanche, la portée politique des résultats du Front national se mesure aussi à leur portée médiatique. Et, sur ce sujet aucun doute n’est permis : la construction médiatique du rôle du Front national est disproportionnée… et contribue, en le plaçant au centre du débat médiatique, à le placer au centre du débat politique, surtout quand celui-ci a pour enjeu… l’anticipation de l’élection présidentielle de 2017. ?